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Consultation : Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France

La première ministre Elisabeth Borne publiait fin novembre 2023 pour consultation une mise à jour de la stratégie Hydrogène française dans l’objectif d’une inscription législative début 2024.

Cette mise à jour vise à se conformer aux récents textes européens tels que le Fit for 55, publié après la première version de la stratégie française de 2020, le paquet gaz, la directive sur les énergies renouvelables et le règlement AFIR sur les carburants alternatifs. Elle cherche également à prendre en compte l’évolution du positionnement d’autres pays sur l’échiquier mondial comme les États-Unis (Inflation Reduction Act) ou la Chine (14ème plan quinquennal). Nous présentons ci-dessous les grandes lignes de ce document.

 

Le texte fait en préambule le bilan de la stratégie Hydrogène lancée en 2020. Un tiers des 9 milliards d’euros attribués à cette stratégie a été engagé pour soutenir des projets d’usines de composants hydrogène, de production d’hydrogène décarboné, des écosystèmes territoriaux ou des projets de R&D (PEPR, Briques technologiques et grands démonstrateurs, PIIEC).

L’appel à projets «Ecosystèmes territoriaux» a sélectionné 46 projets cumulant 80 MW de capacité d’électrolyse pour un investissement de 1,2 milliard d’euros et 320 millions d’euros d’aides. Les PIIEC vont permettre le déploiement de 8 projets de production massive d’hydrogène. Quatre gigafactories de production d’électrolyseurs touchant les 3 technologies d’électrolyse (alcaline, par membranes à échange de protons et haute température) sont désormais sur les rails : McPhy, Elogen, John Cockerill et Genvia.

La nouvelle stratégie déploie 9 priorités que nous passons en revue.

  1. Déploiement de capacités électrolytiques – Les besoins en hydrogène sont estimés à 770 000 tonnes en 2030 et 1 million de tonnes en 2035. Cela conduit à une capacité de production de 6,5 GW en 2030 et 10 GW en 2035 pour couvrir ces besoins par une production à terme 100% domestique. L’avantage français décisif est notre capacité à utiliser l’électricité des réseaux pour produire l’hydrogène, puisque le mix électrique français est l’un des moins émetteurs de GES en Europe. Les importations d’hydrogène ou de produits dérivés ne sont pour autant pas exclues, dans la seule mesure où cet hydrogène est compétitif. Le document souligne également l’importance des technologies telles que la pyrogazéification, la pyrolyse, la plasmalyse pour produire de l’hydrogène, pour autant que la hiérarchie des usages de la biomasse soit respectée. L’hydrogène naturel, dit «hydrogène blanc», fera l’objet d’une étude pour évaluer le potentiel d’extraction et son intérêt économique.
  2. Réseaux Hydrogène – La géographie des usages amène à distinguer des pôles de consommation massive, des pôles semi-centralisés autour de plaques industrielles de taille moyenne et des pôles diffus maillant le réseau autoroutier. Le déploiement de « hubs hydrogène » sur les grands bassins industriels (cf. carte ci-dessous) nécessitera à court terme 500 km de canalisations, dont le tracé envisagé sera achevé d’ici fin 2026
  3. Modèle économique d’un hydrogène compétitif en France – Outre l’instruction de 10 nouveaux dossiers PIIEC, l’État met en place un mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné selon le schéma des contrats for difference avec une enveloppe de 4 milliards d’euros pour 1 GW d’électrolyseurs qui aidera autant les Capex que les Opex de manière à garantir un hydrogène décarboné compétitif en comparaison avec l’hydrogène issu de gaz fossile (hydrogène gris).
  4. Marché mondial de l’hydrogène – Les technologies de transport de l’hydrogène sont encore émergentes mais laissent imaginer la plausibilité de flux d’importations à l’horizon 2040. Le gouvernement lancera une étude sur les opportunités et modalités d’importation de l’hydrogène et en déduira les infrastructures nécessaires en fonction des modes de transport de l’hydrogène (liquide impliquant une regazéification, gaz par canalisation, ammoniac ou carburants de synthèse).
  5. Diplomatie de l’hydrogène – Il s’agit à la fois d’accompagner les premières références des majors français que de jouer un rôle actif dans la définition des standards internationaux et des normes compatibles avec les technologies françaises.
  6. Maîtrise de la chaîne de valeur Hydrogène – « Une stratégie réellement souveraine ne peut faire l’économie de la maîtrise de ses équipements », nous rappelle le document. Il s’agit donc de soutenir la progression technologique de l’écosystème de la R&D à l’industrialisation et ce, pour les électrolyseurs, les piles à combustible, les technologies évitant les matières rares, le couplage électrolyse HT et production nucléaire. Le PIIEC est vu comme l’instrument de soutien des futurs majors français porteurs de nouvelles technologies que l’État recensera au sein d’une cartographie (cf schéma ci-dessous) permettant de visualiser les fleurons d’une part et les chaînons manquants d’autre part.
  7. Flexibilisation du système énergétique – L’équilibre du système électrique suppose des périodes d’effacement des électrolyseurs et son pendant : le stockage de l’hydrogène ou la production d’hydrogène non électrolytique. Le stockage devient dès lors une condition pour permettre une production massive lorsque l’électricité est bon marché et en même temps la plus décarbonée.
  8. Mobilité hydrogène – Face aux batteries ou aux biocarburants, la mobilité hydrogène reste compétitive sur des segments professionnels avec usage intensif et continu. Le fret ferroviaire et les trains régionaux sur lignes non électrifiées sont également concernés par l’hydrogène. Pour le maritime et l’aérien, c’est surtout le recours aux e-carburants qui décarbonisera ces secteurs. Il s’ensuit que l’État privilégiera le développement de stations hydrogène décarboné le long des axes principaux de transport routiers d’ici 2030 et de stations poids-lourds sur les axes du RTE-T.
  9. Cadre réglementaire pour le développement de la filière – Il s’agit tout autant de faciliter l’accès au foncier, l’obtention d’autorisations administratives, le raccordement au réseau électrique que de définir le cadre normatif garantissant la sécurité de l’utilisation de l’hydrogène pour tous les acteurs impliqués (ICPE, métrologie, exploitation des canalisations,…)

 

Le texte du gouvernement est consultable à l’adresse suivante : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/SNH2_VF.pdf et les contributions peuvent être envoyées à l’adresse mail : SNH2@climat-énergie.gouv.fr avant le 19 janvier 2024.