loader

Sensibilisation à la problématique du projet AUBE

Nous nous demandons alors s’il est possible de concevoir la ville du point de vue du confort thermique d’un piéton. Avons-nous les outils nécessaires pour le faire ? Pour répondre à cette question, prenons l’exemple de New York et concentrons-nous sur les échanges radiatifs.

Au cours des deux derniers siècles, la population mondiale a connu une forte croissance, se multipliant par huit, tandis que la population urbaine a été multipliée par vingt. Cette croissance a conduit au développement de villes de plus en plus denses et, souvent, à l’éclosion de quartiers accueillant une population économiquement défavorisée. Parallèlement, le changement climatique, les vagues de chaleur et l’utilisation indiscriminée de la climatisation aggravent les effets de l’îlot de chaleur urbain. Nous nous demandons alors s’il est possible de concevoir la ville du point de vue du confort thermique d’un piéton. Avons-nous les outils nécessaires pour le faire ?

Pour répondre à cette question, prenons l’exemple de New York et concentrons-nous sur les échanges radiatifs.

Le corps humain perçoit le rayonnement électromagnétique de manière différente en fonction de la longueur d’onde. En simplifiant le spectre en deux catégories, on distingue les ondes courtes des ondes longues. Dans un environnement urbain, le rayonnement d’ondes courtes (< 4000 nm) provient principalement du soleil, le ciel agissant comme une source secondaire. Le rayonnement d’ondes longues (> 4000 nm) est émis par toutes les surfaces de la scène urbaine et par le ciel, en fonction de leurs températures, conformément à la loi de Stefan-Boltzmann.

L’œil humain perçoit le rayonnement entre 380 et 780 nm environ. En dessous de cette plage, le rayonnement ultraviolet peut être nocif pour la peau et au-delà, le rayonnement infrarouge proche, qui constitue plus de la moitié de tout le rayonnement d’ondes courtes, n’est pas visible mais peut endommager l’œil. L’ensemble de ce rayonnement a un effet calorifique sur la scène ; c’est ce que l’on appelle les apports solaires.

Lorsque nous nous déplaçons dans l’infrarouge proche et à des longueurs d’onde plus grandes, la composante spéculaire(1) de la réflexion devient plus prononcée sur les surfaces visuellement mates. Le rayonnement d’ondes longues est invisible, mais il est perçu par le corps humain comme de la chaleur. Or, les images capturées par les caméras thermiques sont principalement déterminées par l’émission des surfaces, qui dépend de leurs températures respectives, elles-mêmes dominées par l’inertie thermique.
Les villes érigées au cours des dernières décennies présentent une complexité croissante et des exigences énergétiques accrues. Cependant, les connaissances scientifiques sont désormais disponibles pour évaluer et simuler des scénarios de réhabilitation et de rénovation. Dans la perspective de créer des villes autonomes sur le plan énergétique à l’avenir et à partir des connaissances précédemment citées, il est impératif de concevoir des outils d’aide à la planification urbaine qui demeurent encore inexistants.

Imagerie multifréquentielle d’un canyon urbain

À New York, la ville de verre, les imposantes façades vitrées sont omniprésentes. La Lever House, construite il y a environ 70 ans, a marqué le début de quartiers entiers aux façades lisses et vitrées dans des villes du monde entier. La juxtaposition de ces tours vitrées génère des réflexions multiples, en particulier spéculaires, qui ont un impact significatif sur les échanges radiatifs.

 

 

 

 

 

Modèle de Manhattan utilisé pour la simulation (à gauche) ; Photo des façades de Manhattan (à droite)

Imaginons un piéton sur Park Avenue, devant la Lever House, en plein été. Le soleil se reflète sur les hautes façades vitrées, générant une chaleur insupportable. Pour notre piéton, le ciel semble abriter trois soleils. Il se demande si peindre ces façades en blanc serait bénéfique. En le faisant, la moitié des rayons du soleil seraient réfléchis vers le haut, diminuant la température, mais la contribution diffuse de la scène resterait significative. En revanche, si les tours étaient sombres, comme les premiers gratte-ciels de la ville, elles absorberaient plus de rayonnement, le réémettant sous forme d’infrarouge. L’optimisation du confort thermique s’avère être un équilibre délicat.

Radiance en ondes courtes de la scène dans des projections équivalentes de Lambert pour une journée d’été sous un ciel clair dans une ville : en haut à gauche noire ; en haut à droite blanche ; en bas à gauche semi-spéculaire ; en bas à droite spéculaire

Les résultats de cette étude peuvent surprendre. Peindre toute la ville en blanc pourrait ne pas être la solution idéale en termes de confort thermique extérieur. En revanche, maintenir la ville en noir semble conserver une température plus agréable. Cette étude s’est concentrée exclusivement sur le rayonnement, le flux le plus important dans le bilan énergétique en cas d’exposition au soleil. Mais qu’en serait-il en hiver ? Si le même piéton revenait en saison froide, quel serait le meilleur revêtement pour les façades de Manhattan ?
Pour pouvoir tirer des conclusions raisonnables à partir de ce modèle, il faudrait développer des outils capables de générer de l’information sur toute une année, voire sur plusieurs années.
Ce sont des questions qui invitent à continuer d’explorer les complexités de la conception urbaine à la recherche d’environnements moins énergivores tout en étant plus confortables pour ses habitants.

Rédaction : Jairo Acuña Paz y Miño, enseignant-chercheur dans le département Géomatique et Génie Urbain de Polytech Lille / Relecture : équipe du département Géomatique et Génie Urbain
Basé sur l’article “Influence of Optical Characteristics of Façades on Pedestrian Thermal Comfort Within the Streets of Manhattan”, cet aperçu vulgarisé offre une perspective concise sur les défis de la conception urbaine face au changement climatique. Il met en avant la nécessité d’innovations dans la conception pour des solutions durables.

[1] La composante spéculaire fait référence à la proportion selon laquelle une surface réfléchit la lumière comme un miroir, créant des reflets et des points lumineux