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Production industrielle d’hydrogène décarboné à grande échelle en Allemagne

Nous reproduisons l’essentiel de l’article du magazine édité par la Chambre Franco-Allemande de Commerce et d’Industrie, à l’occasion des rencontres franco-allemandes qui ont eu lieu le 16 novembre dernier à la Tour Exaltis Mazars à Paris.

Nous remercions vivement la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie pour son aimable autorisation.

L’Allemagne s’est engagée à atteindre la neutralité climatique d’ici 2045 et à soutenir les efforts des autres pays dans leur lutte contre le changement climatique. En novembre 2022, la ministre allemande de la coopération économique et du développement, Svenja Schulze, a souligné que la crise énergétique actuelle, en plus du changement climatique, démontrait à l’échelle mondiale l’importance de développer des alternatives au charbon, au pétrole et au gaz. Dans ce contexte, elle a mis en avant l’hydrogène décarboné comme étant une technologie clé.

Objectifs politiques visant à répondre aux besoins en H2.
Le BMWK (Ministère fédéral de l’Économie et de la Protection du Climat) prévoit d’investir 9 milliards d’euros dans les procédés d’électrolyse d’ici 2030. Cette initiative vise à consolider la position centrale de l’Allemagne dans le secteur des technologies de l’hydrogène. Dans le but de faciliter le développement à grande échelle des technologies de l’hydrogène en Allemagne, la stratégie nationale de l’hydrogène a été initiée en juin 2020 et concrétisée à travers un plan d’action. Les installations de production d’une capacité totale pouvant atteindre 5 GW devraient être érigées en Allemagne d’ici 2030. Parmi les autres objectifs clés figurent la création d’un conseil national de l’hydrogène et d’un réseau de recherche, l’établissement d’un marché intérieur pour l’hydrogène et le renforcement de la compétitivité. Le soutien ciblé vise à encourager la recherche, l’exportation de technologie et la mise en place d’une infrastructure dédiée à l’hydrogène, en vue de sa production, son transport et son utilisation future.

La mise à jour de la stratégie de l’hydrogène comprend l’objectif ambitieux de doubler la production d’hydrogène à 10 GW. Le message est clair : l’Allemagne mise résolument sur l’hydrogène qui devient un pilier central de son approvisionnement énergétique futur.

Entre 2006 et 2016, une enveloppe de 700 millions d’euros a été accordée dans le cadre du Programme national d’innovation pour la technologie de l’hydrogène et des piles à combustible (NIP). Ce montant a été porté à 1,4 milliard d’euros pour la période de 2016 à 2026. De plus, la promotion du développement de cette technologie durable a été largement soutenue par un financement supplémentaire de 310 millions d’euros provenant du Fonds climatique, ainsi qu’une augmentation de 200 millions d’euros de subventions pour la période de 2020 à 2023. Par ailleurs, 600 millions d’euros ont été investis dans des laboratoires vivants. Enfin, des fonds à long terme d’un montant de 7 milliards d’euros ont été promis dans le cadre d’un plan de soutien économique dédié aux technologies de l’hydrogène, incluant des financements du gouvernement fédéral et des États. De plus, 2 milliards d’euros ont été alloués à la coopération internationale dans le domaine de l’hydrogène.
Les sommes attribuées sont justifiées par l’estimation des besoins nationaux en hydrogène et produits de synthèse, établie après l’évaluation de 12 méta-études/scénarios réalisés par l’Institut Fraunhofer, qui prévoit une consommation de 400 à presque 800 TWh pour l’année 2050. Outre l’importation d’énergie, ces besoins seront comblés par une expansion considérable des technologies d’électrolyse AEM et PEM. Cette approche permettra de rendre l’hydrogène issue de sources d’énergie renouvelables accessible au grand public et devrait atteindre entre 43 GW et 63 GW en 2050.

L’Allemagne se positionne en tant qu’acteur novateur dans la recherche européenne sur l’hydrogène
En Allemagne, trois projets nationaux majeurs jouent un rôle crucial dans la recherche sur l’hydrogène : H2Giga, H2Mare et TransHyDE. Ces initiatives mettent en évidence l’importance stratégique de l’industrie de l’hydrogène pour atteindre les objectifs climatiques fixés et garantir la pérennité du tissu industriel du pays. Les projets H2 Giga et H2 Mare s’appuient sur le potentiel national de l’industrie chimique, mécanique et des énergies renouvelables pour favoriser la production industrielle d’hydrogène, tandis que TransHyDE mise sur l’industrie automobile allemande et l’objectif politique de promouvoir les transports et la mobilité sans émissions.

L’Allemagne a adopté une approche décentralisée en créant les «laboratoires vivants de la transition énergétique» en 2019, ce qui a abouti à l’ouverture de douze centres de recherche énergétique novateurs. Cette approche permet de relever des défis complexes en prenant en compte les spécificités locales. Par exemple, dans les anciennes régions minières, l’accent est mis sur la décarbonation de l’industrie lourde, tandis que dans les régions venteuses du nord, l’accent est mis sur d’autres aspects. Cette diversité de la recherche renforce la position de l’Allemagne dans le domaine de l’hydrogène à long terme.

Enjeux et évolution du marché
Comme mentionné précédemment, la technologie de l’électrolyse est censée répondre à une grande partie de la demande en hydrogène décarboné. Bien que l’économie allemande puisse capitaliser sur un vaste savoir-faire spécifique dans la transformation ultérieure de la technologie de l’hydrogène, sa production n’est pas encore rentable à l’heure actuelle.

Dans le but de favoriser le progrès et d’atteindre une réduction des coûts sur le marché, d’importantes installations de production sont mises en place, garantissant ainsi un marché stable. Cependant, la demande en capacité d’électrolyse ne connaît pas une croissance linéaire. Malgré d’importants investissements du BMWK, la production de masse d’hydrogène décarboné ne connaîtra une augmentation significative qu’après 2030. Selon l’évaluation de l’Institut Fraunhofer, presque toutes les études sur la consommation d’hydrogène en 2040 se situent dans une fourchette allant de 10 à 35 GW. Pour l’année 2050, la capacité d’électrolyse requise augmente jusqu’à atteindre entre 43 GW et 63 GW.

Demande en Hydrogène par secteur.
Source : NWR 16.02.2023

Perspectives de la demande des secteurs clés
De nombreux acheteurs industriels allemands montrent un vif intérêt pour la technologie Power-to-X en raison de ses avantages naturels. L’hydrogène décarboné joue un rôle essentiel dans la réduction des émissions de CO2 de l’industrie. De plus, il se distingue par sa capacité à stocker l’énergie sous forme gazeuse et à la convertir en électricité selon les besoins, offrant ainsi une flexibilité accrue et une solution pour compenser les fluctuations de l’approvisionnement en énergies renouvelables telles que l’éolien, le solaire et la biomasse.

L’hydrogène devrait être fortement demandé à l’avenir, en particulier dans les industries à forte consommation d’énergie. La production d’acier et le traitement des métaux devraient devenir les principaux marchés d’ici 2030. Dans l’industrie sidérurgique, remplacer le processus à haute émission de gaz à effet de serre par la réduction directe du minerai de fer à l’aide d’hydrogène décarboné est une solution très efficace. De plus, l’hydrogène trouve de nombreuses applications dans la synthèse de l’ammoniac et l’utilisation de l’éthylène dans l’industrie chimique. En outre, une demande à court et à long terme est prévue dans les secteurs allemands du ciment, du verre et de la céramique. L’Institut de recherche Fraunhofer prévoit une forte demande d’hydrogène et de produits de synthèse dans divers secteurs, notamment les transports publics, le transport routier lourd et l’industrie automobile. Cette demande devrait connaître une augmentation significative d’ici 2050, (demande en hydrogène de 17 à 940 TWh, demande en produits de synthèse de 0 à 577 TWh) grâce aux efforts croissants visant à réduire les émissions de carbone dans l’industrie.

La coopération franco -allemande et européenne
La coopération entre la France et l’Allemagne dans le secteur de l’hydrogène revêt une importance capitale et stratégique. Son objectif principal est d’assurer à long terme la sécurité du site industriel européen spécialisé dans l’hydrogène et de garantir un approvisionnement énergétique durable. La collaboration avec l’Allemagne, notamment en intégrant les industries chimique et automobile, représente une étape essentielle dans la stratégie du gouvernement français visant à favoriser le développement de l’hydrogène décarboné.

Dans ce contexte, plusieurs événements marquants ont renforcé la collaboration franco -allemande dans le domaine de l’énergie et du développement durable. Tout d’abord, en février 2021, le CEA (Centre français de recherche sur l’énergie nucléaire) et l’Institut Max -Planck ont signé un accord de collaboration. Ensuite, en février 2021 également, Air Liquide et Siemens Energy ont annoncé un partenariat pour promouvoir des projets majeurs liés à l’hydrogène. En juin 2021, la CFACI (Chambre Franco – Allemande de Commerce et d’Industrie) ainsi que ses partenaires France Hydrogène et DWV en Allemagne ont lancé un symposium visant à créer un dialogue continu entre les acteurs clés du secteur énergétique des deux pays. La CFACI a également facilité le dialogue politique en réunissant le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, et le secrétaire d’État allemand du ministère fédéral de l’Économie et de l’Énergie, Andreas Feicht.

Cette coopération s’inscrit également dans le cadre du plan «Fit for 55» de la Commission européenne, visant à surmonter les défis techniques et financiers dans le domaine de l’énergie durable. La CFACI reste engagée à soutenir activement les échanges entre la France et l’Allemagne, ainsi qu’à contribuer aux questions cruciales grâce à son solide réseau industriel de haut niveau.