Lors des Assises Européennes de la Transition Energétique à Dunkerque, le projet « Sauve Terre H2 », de recherche d’hydrogène naturel, a reçu des mains du journal Hydrogenium un Trophée de l’Hydrogène en même temps que d’autres projets tels que H2V-59 à Dunkerque et GravitHy à Fos sur mer.
En France, diverses sources d’hydrogène naturel ont été détectées dans plusieurs zones telles que la Drôme, la Côte-d’Or, la Lorraine, le Cotentin ou encore les Pyrénées ; un vaste travail d’exploration doit être réalisé, mais les gisements seraient gigantesques, précise Forbes et la démarche recueille toute l’attention de l’Etat. Certes, le Béarn est loin des Hauts-de-France, mais dans la mesure où notre bassin minier est susceptible d’offrir également un gisement d’hydrogène naturel, il nous a semblé intéressant de nous entretenir avec le porteur de projet, Vincent Bordmann, CEO de l’entreprise Terrensis, un ancien du groupe TotalEnergies. Nous reviendrons sur le potentiel gisement des Hauts-de-France et de Lorraine dans un prochain numéro.
Vincent, pourriez-vous présenter votre société ?
Terrensis est une entreprise d’exploration et de production d’hydrogène naturel. Avec sa filiale TBH2 Aquitaine, nous avons ouvert la voie de l’hydrogène naturel (aussi appelé natif ou blanc) en France en obtenant le 23 novembre 2023, un permis exclusif de recherches (PER) d’hydrogène et d’hélium sur une superficie de 225 km2 sur 43 communes autour de Sauveterre-de-Béarn (soit l’équivalent d’un carré de 15km de côté). Ce projet de recherche a été nommé « Sauve Terre H2 » en référence au nom de la principale commune située sur le permis et aux deux substances principales recherchées que sont l’Hydrogène et l’Hélium. Terrensis a réalisé une levée de fonds de 1,5 million d’euros auprès de la société d’investissement IDROGENIA, filiale de la holding familiale Groupe Mentor (famille Michaux) ; cette levée de fonds va permettre de débuter les travaux de recherche. Terrensis est une entreprise labelisée Deeptech et French Tech Seed (Bpifrance). Nous avons signé́ un contrat de collaboration avec le CNRS et sommes adhérents du Pôle AVENIA, le pôle de compétitivité des industries du sous-sol.
Quelles sont les caractéristiques de ce permis ?
C’est un titre minier qui est accordé sur une durée de 5 ans et sur un périmètre limité. Il est renouvelable une fois. Il permet d’explorer le sous- sol. Après découverte d’un gisement, l’hydrogène et l’hélium, qui en tant que substances du sous- sol appartiennent à l’Etat, pourront être extraits et commercialisés au titre d’une concession pour une durée généralement comprise entre 20 et 30 ans, selon l’échéance prévisible de l’épuisement du gisement, la durée initiale ne pouvant excéder 50 ans. Depuis le 13 avril 2022, l’hydrogène natif a été rajouté dans la liste des substances relevant du régime légal des Mines (Article L111-1 du Code Minier).
D’où provient cet hydrogène naturel ?
Les réactions qui génèrent cet hydrogène dans le sous-sol sont à présent bien connues : il s’agit d’une interaction entre l’eau et les roches, soit par oxydo-réduction au contact de roches riches en minéraux ferreux, soit par radiolyse au contact de roches naturellement radioactives. Dans les deux cas, il s’agit d’une dissociation de la molécule d’eau, entraînant la libération de l’hydrogène qui remonte à la surface, du fait de sa moindre densité. A Sauveterre-de-Béarn, l’hydrogène provient du manteau terrestre (riche en minéraux ferreux tels que olivine et pyroxène). La réaction ne suffit pas à elle seule pour obtenir un gisement exploitable : en plus de la génération naturelle, donc non anthropique, il faut ajouter deux autres conditions : un chemin de migration (un plan de faille par exemple, lui aussi naturellement présent) ainsi qu’un piège avec une couverture faite de couches de sels ou d’argiles capables d’arrêter ou ralentir le flux d’hydrogène et constituer des accumulations d’hydrogène qui se loge dans les pores de la roche.
Comment s’effectuent les recherches ?
TBH2 Aquitaine a commencé ses travaux sur son permis « Sauve Terre H2 » par une imagerie du sous-sol. Ainsi, l’intégralité de la superficie explorée est quadrillée à raison d’un à deux points par km2 où sont placés des récepteurs et où l’on procède à une échographie du sous-sol. La sismique réflexion a pour objectif d’imager le sous-sol par émission et réception d’ondes acoustiques. En émettant des vibrations, un camion vibreur génère des ondes qui se propagent dans le sous-sol, dont une partie est réfléchie par différentes formations géologiques rencontrées, c’est le principe de réflexion. L’écho, en revenant vers la surface, est capté par des récepteurs : les géophones. Après traitement et interprétations des images, on obtient ainsi le positionnement et la profondeur des potentiels pièges géologiques, la localisation des chemins de migration, ce qui permettra ensuite de prendre une décision pour forer un puits d’exploration. Seul le forage permettra de définir débit et volumes en fonction des caractéristiques (porosité, perméabilité, dimensions, …) du gisement où l’hydrogène et l’hélium se sont temporairement accumulés. Il faut avoir une vision dynamique des flux d’hydrogène entre les débits de génération/ production, de migration et la capacité des accumulations transitoires : c’est un peu comme la région des Grands lacs aux Etats-Unis qui constitue une succession d’accumulations (les lacs), tous interconnectés et dont le chemin de migration final est le fleuve Saint-Laurent. Il faut s’imaginer un tel système dans le sous-sol de ce permis, mais avec de l’hydrogène gazeux et non pas de l’eau, en 3D et à beaucoup plus petite échelle bien sûr !
D’autres techniques comme la variation du champ magnétique terrestre, la gravimétrie, et le retraitement de lignes sismiques anciennes, viendront compléter le jeu de données pour affiner le modèle géologique 3D et pour déterminer les lieux potentiels de forage d’un puits d’exploration. Rendez-vous dans 5 ans !