Les nouveaux gaz verts, un sujet clé pour la décarbonation de la France
À l’horizon 2050, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone. La stratégie actuelle se structure autour de plusieurs piliers : sobriété et efficacité énergétique, énergie renouvelable, et verdissement du vecteur gaz.
Le gaz représentait environ 20 % de la consommation d’énergie finale en France en 2015 (425 TWh PCI, données corrigées des variations climatiques). Ce gaz est en quasi-totalité d’origine fossile et importé. La même année, sa combustion a émis 17 % des émissions totales de gaz à effet de serre du pays (80 MtCO2eq). Sa production et son transport sont également à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre, de l’ordre de 17 MtCO2eq (ADEME, Transition(s) 2050). Ce vecteur alimente cependant de grands secteurs de consommation, comme l’industrie, le résidentiel ou le tertiaire. Dès lors, comment décarboner ce vecteur et ses usages ? Éléments de réponse.
Le déploiement des gaz verts, une stratégie en 4 axes
Il existe aujourd’hui quatre technologies permettant de produire un gaz renouvelable : la méthanisation, la pyrogazéification, le power-to-methane/méthanation et la gazéification hydrothermale. Chacune a ses propres avantages et inconvénients et se situe à des stades différents de maturité :
• La méthanisation : elle permet de produire un mélange de gaz appelé biogaz, composé principalement de dioxyde de carbone et de méthane, à partir de la digestion anaérobie (en l’absence d’oxygène) de matières organiques. Les intrants peuvent être des effluents d’élevage, des résidus de cultures, des boues de stations d’épuration des eaux usées, des déchets d’industries alimentaires, etc. Le biogaz peut ensuite être épuré pour être transformé en biométhane afin d’être injecté dans les réseaux de gaz ou utilisé comme carburant pour véhicules. C’est une technologie mature, en développement en France.
• La pyrogazéification : elle consiste à produire un gaz de synthèse, appelé syngas, composé principalement d’hydrogène, de monoxyde de carbone, de dioxyde de carbone, et d’un peu de méthane et de diazote. Cela a lieu par traitement thermochimique de matières organiques ou de déchets carbonés non recyclables. Les intrants envisageables sont différents de ceux de la méthanisation : bois, pailles, combustibles solides de récupération (CSR), etc. La pyrogazéification nécessite de la matière relativement sèche en entrée. Le syngas peut ensuite, comme le biogaz, être utilisé directement ou être injecté dans le réseau après conversion en méthane. Cette technologie n’est pas encore industrialisée mais plusieurs installations pilotes et démonstrateurs existent ou sont en projet (TRL 7-8).
• Le Power-to-methane : cette technologie se base sur le power-to-gas, qui consiste à convertir de l’électricité en hydrogène par électrolyse de l’eau. Cet hydrogène peut être utilisé directement ou peut être converti en méthane par méthanation : c’est le power-to-methane. Si l’électricité utilisée pour l’électrolyse est d’origine renouvelable, le gaz produit le sera également. L’électrolyse est une technologie mature (TRL 9) et la méthanation est en phase pilote (TRL 7).
•La gazéification hydrothermale : Comme la pyrogazéification, cette technologie repose sur un procédé thermochimique. La différence réside dans la nature des intrants, qui doivent être pompables, donc humides ou liquides : digestats de méthanisation, effluents et résidus liquides industriels, boues de stations d’épuration d’eaux usées… C’est la moins mature de ces technologies, mais elle connait actuellement un fort développement et possède un grand potentiel.
Afin d’assurer un mix gaz 100% décarboné en 2050, il est possible d’envisager plusieurs variantes, combinant ces 4 technologies et du gaz naturel accompagné d’une captation du carbone.
Dans son rapport « Transition(s) 2050 », l’ADEME étudie quatre scénarios types ayant pour objectif d’amener la France vers la neutralité carbone en 2050. Le scénario S1 s’appuie principalement sur une frugalité de la société, tandis que le scénario S4 persévère dans une croissance économique carbonée, en la compensant par des technologies de captage et de stockage du CO2. Les scénarios S2 et S3 naviguent entre ces deux extrêmes et sont de ce fait plus équilibrés. Les noms de ces scénarios permettent d’en saisir l’idée générale :
S1 : Génération frugale
S2 : Coopérations territoriales
S3 : Technologies vertes
S4 : Pari réparateur
Mix gazier en 2015 et en 2050 pour les cinq scénarios ADEME et le scénario AMS (référence et variante gaz haut) (Source : ADEME, Transition(s) 2050)
Le graphique ci-dessus montre les prévisions de mix gazier en 2050 selon chacun de ces scénarios, en les comparant au mix gazier en 2015. On y trouve également le scénario « TEND », correspondant à la tendance actuelle, ainsi que le scénario de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) Avec Mesures Supplémentaires (AMS), dans sa référence et dans sa variante gaz haut. (La gazéification hydrothermale n’a pas été considérée, car c’est un procédé encore trop peu mature à ce jour).
On y observe que, peu importe le scénario, le gaz reste une source d’énergie importante en France, avec au moins 150 TWh de consommation. L’émergence des gaz verts sera suffisante pour alimenter tout ou partie des besoins nationaux en 2050, assurant ainsi l’atteinte de la neutralité carbone.