loader

Les e-fuels : modes de production, état de l’art et usages

EVOLEN a publié en février 2023 une note de synthèse sur les électro-carburants....

Fruit d’un groupe de travail d’EVOLEN, association d’entreprises et de professionnels du secteur des énergies réunissant l’IFPEN, SOFRESID, Engie, Technip Energies et d’autres entreprises partenaires, EVOLEN a publié en février 2023 une note de synthèse sur les électro-carburants. Avec Reuze (Engie) et les projets d’Energo actuels et à venir, les Hauts-de-France ne sont pas en reste sur cette réflexion. Aussi, dans un souci pédagogique, nous reproduisons ci-dessous, avec l’aimable autorisation d’EVOLEN, une grande partie du résumé exécutif de cette note de synthèse.

Les carburants de synthèse ou électro-carburants, dits « e-fuels », sont produits à partir d’électricité renouvelable ou bas-carbone, de dioxyde de carbone ou d’azote dans le cas de l’e-ammoniac, et d’hydrogène issu d’électrolyse. Sous forme liquide ou à l’état gazeux, leur émergence aux côtés des biocarburants issus de la biomasse, offre une solution alternative pertinente pour défossiliser le transport et l’industrie, sans créer de conflits d’usage avec les produits agricoles, et permettre ainsi une réduction de l’impact climatique de ces activités. Ces carburants, parfois gazeux comme le e-méthane dans des conditions ambiantes, mais généralement liquides, sont plus faciles à transporter, à stocker et à utiliser que l’hydrogène ; ils représentent une voie d’avenir très prometteuse pour le transport aérien et maritime, où l’hydrogène pur apparait difficile à mettre en œuvre sur de longues distances, ainsi que pour une partie du transport fluvial et routier.

 

Quels e-fuels pour quels usages ?

  • Le e-méthane sous sa forme liquide présente l’avantage majeur de pouvoir être incorporé au GNL (gaz naturel liquéfié) et ainsi de bénéficier des infrastructures existantes et des règlementations en vigueur. Sous sa forme gazeuse, il peut couvrir les usages traditionnels du gaz naturel (chauffage, électricité) et être utilisé dans le transport routier (GNV) et maritime. Le e-méthanol dont la production est déjà industrialisée dans de faibles proportions, notamment pour l’industrie chimique, est un carburant prometteur pour le monde maritime. Il est connu des industriels, dense en énergie et liquide à température ambiante. Facilement incorporable dans l’essence pour les motorisations automobiles existantes, et utilisé dans les moteurs « dual fuel » pour le maritime.
  • Le e-méthanol permet également un déploiement rapide. Il vise également à décarboner la production de produits chimiques (formaldéhyde, l’acide acétique, etc.) et d’oléfines (éthylène, propylène). Le méthanol présente toutefois un certain niveau de toxicité qui nécessite des précautions particulières lors de son utilisation comme carburant. Les e-carburants paraffiniques ont des propriétés proches de leurs équivalents fossiles. Leur utilisation dans les transports est donc envisageable que ce soit sous forme d’e-gazole pour le transport routier et maritime ou d’e-kerosène pour le transport aérien (SAF : Sustainable Aviation Fuels).
  • Le e-ammoniac est un carburant étudié avec attention par le transport maritime, car c’est un carburant de synthèse économique et simple à produire ; c’est également le seul qui ne soit pas carboné. Cependant sa forte toxicité et les dangers qu’il représente pour l’environnement restent un obstacle à son déploiement massif comme carburant, en particulier dans des endroits confinés comme les navires. Des efforts de R&D sont encore nécessaires pour une exploitation sûre dans ce type d’environnement. Le e-ammoniac vise également à décarboner la production de produits chimiques (engrais, explosifs).

Les défis des e-fuels

Les carburants de synthèse, qui préfigurent les carburants du futur par leur capacité à défossiliser les usages, nécessiteront de grandes quantités d’électricité renouvelable ou bas carbone, en compétition avec d’autres usages. Ils nécessiteront également de grandes quantités de CO2, en particulier du CO2 biogénique, ou issu de l’air (peu rentable en l’état), mais pourront aussi récupérer le CO2 fatal issu de l’industrie si la réglementation européenne le permet. Les flux logistiques tant en matière d’intrants (électricité renouvelable, hydrogène, CO2, azote …), que d’infrastructures de production, de transport, de stockage, de distribution et de soutage, nécessiteront le déploiement de nouvelles filières de production ou d’importation sur le territoire national. C’est une opportunité pour notre industrie, mais c’est aussi un véritable défi en termes d’investissements. L’économie industrielle des e-fuels est entièrement à construire, nécessitant des investissements très lourds avec des retours sur investissement (ROI) difficiles à évaluer. Des Analyses en Cycle de Vie (ACV) seront nécessaires pour mesurer l’impact des émissions sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Le coût des e-fuels est aujourd’hui très élevé en comparaison avec les énergies fossiles ; ce coût sera fortement dépendant du prix du CO2 et de l’hydrogène renouvelable produit par électrolyse, qui est lui-même tributaire du coût de l’énergie primaire à partir de laquelle il est produit. Les industriels anticipent cependant que l’hydrogène renouvelable deviendra plus compétitif à l’avenir, du fait que le coût de l’électricité renouvelable baisse de façon continue depuis plusieurs années, et cette tendance devrait s’accentuer dans les années à venir. Un niveau élevé d’ambition sur les leviers législatifs et réglementaires est nécessaire pour lever les incertitudes et accélérer le déploiement à grande échelle des e-fuels sur nos territoires. C’est pourquoi un déploiement de masse à échelle commerciale n’est pas envisagé avant 2030-2035, à l’exception du e-méthanol dont certains projets commencent à se déployer.

L’opportunité des e-fuels : filière française et souveraineté européenne

La production et le déploiement des e-fuels nécessiteront également d’importants besoins en ressources humaines et en compétences nouvelles. La France possède de nombreux atouts pour déployer une filière autour des e-fuels et devenir un leader de cette industrie du futur. L’évolution des politiques publiques pourrait permettre de tirer profit de ces nouveaux besoins pour développer sur le territoire des pôles de production, d’import et d’export des e-fuels et de leurs intrants (énergies renouvelables, hydrogène, CO2ou N2 pour l’ammoniac).

Romain Provost de La Fardinière
Délégué Général à la Transition Energétique chez EVOLEN
Président du Comité Hydrogène d’EVOLEN et du Comité Hydrogène du CSF des Industriels de la Mer