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La quadrature de la modélisation énergétique territoriale

L’ADEME propose quatre scénarios pour atteindre la neutralité carbone sur le plan national à 2050.

RTE présente ses « futurs énergétiques » à ces mêmes horizons : scénarios de mix de production permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et GRDF publiait en 2022 ses « Perspectives Gaz 2022 – Scénario de consommation de gaz à l’horizon 2050 avec 100% de gaz renouvelable bas carbone ». A l’échelle régionale, on peut citer l’étude « Enjeux énergétique et emplois en Hauts-de-France » de l’ADEME, et l’exercice réglementaire du SRADDET de la Région. Fallait-il ajouter un outil supplémentaire ? Nous pensons que oui et en donnons ici les arguments et objectifs. Nous détaillons également pas à pas la méthodologie de construction d’un bilan énergétique d’un territoire.

La valeur ajoutée de l’outil créé par Pôlénergie est de prendre la question énergétique comme un système, à l’échelle territoriale, et de l’analyser de façon dynamique. L’appréhension systémique de l’énergie se fait souvent à l’échelle nationale, soit par les grands énergéticiens (RTE, GRTgaz, GRDF) ou par les services de l’Etat (ADEME – Transition(s) 2050). Si on retrouve parfois des déclinaisons territoriales de ces scénarios, celles-ci sont plus souvent des photographies à l’instant t qu’un véritable outil de monitoring.

Aucun outil, à notre connaissance, ne donne sur un plan local une vision globale qui corrèle productions et consommations, englobant toutes les énergies, les interactions entre-elles, les liens de cause à effet entre production et consommation et les affectations des énergies par secteurs de consommation finale. Pourtant, les flux énergétiques se croisent et se convertissent : le gaz naturel alimente les cycles combinés qui produisent de l’électricité et de la chaleur, l’électricité alimente les pompes à chaleur qui capte de la chaleur ambiante, la méthanisation convertit la biomasse en gaz, l’électricité fait fonctionner les électrolyseurs qui produisent de l’hydrogène et de la chaleur, etc… De fait, le découpage classique de l’énergie par secteur ou vecteur, qui s’explique par une praticité méthodique, propose des descriptions partielles et silotées des réalités énergétiques territoriales.

Face à ce constat, et sollicité par ses membres, Pôlénergie s’est donc mis à l’ouvrage pour tenter de résoudre cette quadrature du cercle. L’outil doit de toute évidence se comprendre comme perfectible : voilà pourquoi il appelle le dialogue avec toutes les parties prenantes. La simplicité (toute relative…) de l’exercice est que nous travaillons sur un objectif zéro carbone : il ne s’agit donc de comptabiliser que les énergies décarbonées et de les mettre en regard des évolutions de consommation qui devraient être significatives en Région Hauts de France, durablement « terre d’industrie ».

Dès lors, qu’apporte la vision de cet outil à l’échelle territoriale ? C’est tout d’abord un effort de cohérence et de vérification d’un certain « bouclage » des énergies. Beaucoup rêvent de souveraineté territoriale ; avec prudence, certes, car la souveraineté énergétique ne peut se gérer qu’à l’échelle nationale ; aucun territoire ne peut se targuer de ne pas recevoir ou de ne pas distribuer de l’électricité à ses voisins. Mais la situation est autre lorsque nous ne parlons plus d’électricité, mais par exemple des énergies issues de la biomasse : si la concurrence des usages entre la méthanisation, la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale ou la méthanation n’est pas prise en compte dans un bilan énergétique, la voie est ouverte à l’inflation des chiffres ; à tout le moins, le mérite d’un bilan énergétique est-il de faire apparaître les volumes et d’en vérifier leur cohérence. Par « bouclage », il faudra donc comprendre une vision d’un équilibre offre / demande plutôt qu’une vision sur l’autonomie territoriale. Dans une optique forte de ré-industrialisation, il demeure intéressant d’examiner si les nouvelles consommations sont pourvues par les énergies produites sur le territoire ou si elles nécessitent une solidarité interrégionale fournie par les réseaux. Dans une optique bottom-up enfin, l’Etat pourrait trouver un intérêt à consolider les bilans régionaux et les comparer à sa vision descendante, plus globale.