loader

La gazéification hydrothermale : la nouvelle technologie de production de gaz verts.

Troisième vecteur énergétique en France derrière le pétrole et l’électricité, le gaz naturel amorce depuis une dizaine d’années une décarbonation du méthane qui passe dans ses réseaux.

L’objectif ? Alimenter via du biométhane les 200 à 300 TWh de gaz prévus en 2050 par la stratégie nationale bas carbone. Depuis 2011, la méthanisation contribue à cet objectif, avec 9 TWh de biométhane injectés en 2023.

Cependant, le potentiel de production de la méthanisation en France est estimé à 100 ou 150 TWh. Dès lors, comment produire le gaz manquant ? Quelle pourrait être la contribution de la gazéification hydrothermale à cet objectif ? Évoquons quelques éléments de réponse avec la visite en Suisse, organisée par GRTgaz, du pilote de Treatech, start-up dédiée à ce sujet.

La GH, kézako ?
La gazéification hydrothermale, ou GH, est un procédé thermochimique qui vise à convertir de la biomasse ou matière organique humide en gaz (H2, CH4, CO2, CO, CxHy), en eau et en engrais/éléments minéraux et métalliques. Plus précisement, il s’agit, après séparation des sels, de porter les intrants à haute température (360 à 700°C) et à haute pression (210 à 350 bars). Dans ces conditions, l’eau présente dans les intrants passe à l’état supercritique et adopte des propriétés communes aux liquides et au gaz. Ce changement d’état conduit à la dislocation des molécules complexes de l’intrant pour former des molécules plus simples (H2, CH4, CO2, CO, CxHy), comme illustré dans le schéma ci-dessous.

Schéma de procédé simplifié de la Gazéification Hydrothermale (source : GRTgaz/Cerema)

Au sein de cette technologie, on distingue deux familles :
• Les procédés à haute température : la réaction se déroule autour de 550-700°C, avec des pressions autour de 300 bars, et produit un syngaz plus riche en hydrogène ;
• Les procédés avec catalyse : ici, le recours à des catalyseurs (souvent au ruthénium) permet d’abaisser les conditions opératoires (températures autour de 350-450°C, pression autour de 260 bars) et d’obtenir une teneur plus élevée en méthane, comme indiqué sur le schéma.

Tableau : synthèse des technologies de Gazéification Hydrothermale (GRTgaz)

 

La maturité de ces deux familles est cependant différente :
• La voie haute température est un peu plus mature, avec un TRL 8, on peut ainsi évoquer le pilote industriel de 20 MW de la société SCW à Alkmaar, aux Pays-Bas ;
• La voie catalytique est plus en amont, avec un TRL 6-7, et un pilote de 100kg/h porté par Treatech au PSI (photo ci-dessous)

Atouts et points de vigilance de la GH
Comme toute technologie, la GH possède des forces et des points de vigilance. Du côté des points de vigilance, on peut noter :
• Un enjeu sur la séparation des sels en amont de la réaction, une brique technologique également innovante ;
• Un enjeu sur la siccité des matières entrantes, qui peuvent avoir une teneur en matière sèche pouvant aller de 5% à plus de 50%, mais qui doivent être pompables ;
• Un enjeu de gestion de la séparation de phase liquide/gaz après la réaction, qui va conditionner la composition des gaz de sortie ;
• Un enjeu sur la montée en température de l’unité, qui peut prendre jusqu’à une journée à l’allumage ;
• Pour la voie catalytique, un enjeu sur la sensibilité du catalyseur ;
• Pour la voie haute température, un enjeu sur l’ajout d’une brique méthanation pour former du méthane.

On peut cependant noter les nombreux et grands atouts de la technologie :
• Sa modularité, une unité de 20 MW pouvant tenir dans moins d’un hectare, contre environ 1 MW par Ha en méthanisation,
• Sa réactivité, avec un temps de séjour de 30 minutes, principalement dû à la montée en température de l’intrant (le temps de séjour dans le réacteur même se compte en secondes), contre environ 3 semaines en méthanisation,
• Un rendement énergétique élevé, autour de 75%, et des besoins électriques faibles (env. 2% du volume produit, contre 10% en méthanisation)
• Une capacité à détruire de nombreux polluants : microplastiques, solvants, perturbateurs endocriniens…
• Une capacité à produire des coproduits d’intérêts : eau azotée stérile, minéraux et métaux, pouvant servir d’engrais (NPK) ou être revendus et gaz bas carbone (H2, CH4)
• Des coûts relativement abordables, avec un CAPEX autour de 1.5 M€/MW pour des unités industrielles (10 MW),
• Une très grande diversité de produits compatibles avec cette technologie (schéma ci-dessous)

Quel avenir pour la GH ?
Alors sur la base de ces éléments, quel avenir pour cette technologie en France ? Dans un premier temps, une nécessaire phase d’industrialisation devra avoir lieu, avec les premières unités industrielles en service d’ici 2030. Côté gisement, une analyse menée par GRTgaz dans son livre blanc laisse présager un potentiel en France d’environ 63 TWh en France. De quoi permettre, aux côtés de la méthanisation et de la pyrogazéification, de relever le défi de la décarbonation du vecteur gaz d’ici 2050.

Estimation de la production de gaz injectable par GH pour les 18 intrants majeurs
d’origine biogénique à horizon 2050 (63,2 TWh/An) – *estimation en 2050

Estimation de la production par région de gaz injectable par GH en 2050 (63.2 TWh/an)