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La CSRD est-elle une chance pour les PME et les ETI ?

Le mouvement patronal Impact France réunissait 3000 dirigeants fin août à la cité internationale universitaire à Paris sur le thème de l’économie de demain.

La CSRD fut largement abordée au cours des débats. L’occasion de revenir encore sur ce sujet après plusieurs articles dans notre newsletter (avril 2024, p4 et été 2024, p5) et d’exposer quelques-unes des raisons qui invitent les PME à s’y intéresser dès aujourd’hui de plus près.

Abence de vision, c’est le constat amer d’Alexandra Palt, ancienne directrice de la RSE de L’Oréal et nouvelle présidente du WWF, décrivant un certain désengagement des entreprises vis-à-vis de la transformation de nos économies à la nouvelle donne environnementale. Pour Alexandra, la CSRD se limite à un contrôle de gestion sans vision. Il s’agit donc ici, avec l’aide de bon nombre d’intervenants, de démontrer que la CSRD est largement un outil au service d’une vision du futur de l’entreprise

« La musique a changé », exprime Matthieu Helzer, président du Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprises (CJD) pour signifier que le temps de la stricte quête de performance et de croissance est révolu, conséquemment à la menace écologique, aux transitions sociales et économiques. La CSRD s’invite pour « faire différemment » et préserver l’avenir. C’est donc une opportunité ! Il s’agit à travers elle de ne plus subir le changement mais d’agir en se transformant. Se faisant, les entreprises mettent en œuvre leur responsabilité propre puisque leurs activités, produits, méthodes impactent directement les modes de consommation, les modèles de vivre ensemble et l’environnement. Transformer ses modèles d’affaire n’est pas une chose simple et il est à parier que la pérennité est assurée à ceux qui sauront prendre une longueur d’avance

Comment définir la CSRD : il s’agit d’une directive émise par l’UE, c’est même un volet central du Green Deal. La directive vient « encadrer de manière

contraignante le reporting extra-comptable de l’entreprise ». Contrainte, reporting,.., les mots sont lâchés… ! Disons-le autrement : la CSRD veut mettre sur un pied d’égalité des critères extra-financiers avec les critères strictement comptables. Voilà donc l’opportunité ! Loin d’un outil statique, la CSRD invite au contraire à la progression : c’est un outil de transformation des entreprises qui s’impose en colonne vertébrale de celles-ci et soutient les démarches RSE (responsabilité sociétale des entreprises) et ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Yolande Blondé, associée fondatrice du Cabinet Texonova, explique comment la CSRD, partant d’une idée de reporting, a évolué en un outil exigent de transformation interne des entreprises. La CSRD invite à se poser les bonnes questions, à prioriser et entrer dans un récit long terme : il est significatif que ses indicateurs soient à 70% composés de narratif, 20% de quantitatif et 10% de tableaux de bord. Le narratif oriente vers un futur durable : il ne s’agit plus de rester sur une dimension de reporting. A titre d’exemple, si un indicateur de parité homme/femme est insuffisant, la CSRD invitera à expliciter le scénario et le calendrier pour le rehausser et atteindre la parité.

La CSRD définit un cadre conceptuel d’analyse des entreprises et propose des normes de gestion et d’orientation claires, compréhensibles par tous les acteurs et permettant une comparaison objective entre entreprises de secteurs différents. Elle vient expliquer comment se structure et se structurera le modèle d’affaire de l’entreprise selon des critères objectifs, sans se limiter à des critères financiers. Elle offre une transparence au management avec l’ensemble de ses parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs financeurs, actionnaires). Sa visée est systémique : elle propose une approche globale : raison d’être, stratégie, analyse en double matérialité (comment l’extérieur impacte mon entreprise, et, comment mon entreprise impacte l’extérieur), analyse ACV et durabilité dès la conception du produit, etc…. Elle invite également à des itérations qui font évoluer la stratégie.

La CSRD est une nouvelle grammaire dont tout le monde est invité à comprendre les règles de syntaxe. Aujourd’hui elle s’impose aux entreprises de plus de 250 salariés mais il y a tout intérêt à se mettre d’ores et déjà en mouvement ne serait que parce que mon entreprise est elle-même fournisseur d’une entreprise assujettie et devra se conformer à certaines de leurs requêtes. Elle sera également un outil pour dialoguer avec mon banquier ou mes financeurs qui, à travers elle, détecteront ma capacité à envisager sereinement l’avenir de mon entreprise.

LA CSRD fait ainsi bouger les lignes de l’entreprise. Dans le cadre de cette démarche, Xavier Girre, directeur exécutif du groupe EDF, raconte la création d’un conseil des parties prenantes de 13 personnes qui vérifient la cogérance et l’impact de l’activité du groupe. EDF a également rédigé un Pacte fournisseurs dans une logique partenariale qui donne l’obligation d’intégrer dans les appels d’offre du groupe des critères en lien avec la CSRD. De son côté, la MAIF n’a pas attendu la réglementation pour avancer en lançant dès 2023 la création d’un dividende écologique qui flèche 10% des résultats consolidés vers des projets écologiques de type résilience des territoires, biodiversité, résilience de l’habitat de ses sociétaires… Dans ce cas, la CSRD vient confirmer des intuitions qui ont été mises en œuvre en avance de phase.

La CSRD est donc une opportunité pour humaniser nos entreprises, les rendre plus résilientes vis-à-vis du climat mais aussi en associant toutes les parties prenantes dans une vision plus globale, plus intégrée et plus durable.

La question est désormais l’accès du plus grand nombre à la transition que la CSRD vient d’ouvrir.