loader

HYDROGÈNE TRANSFRONTALIER : EN ÊTRE OU NE PAS EN ÊTRE ?

La pertinence d’un réseau hydrogène ne fait aucun doute pour le Secrétariat général du Benelux qui a commandé en 2022 une étude au cluster industriel WaterstofNet Vzw sur la chaîne de valeur d’hydrogène renouvelable à travers un réseau transfrontalier couvrant le Benelux et ses régions voisines.

L’étude sera disponible très prochainement sur le site web du Secrétariat général du Benelux : www.benelux.int. Mesurer les volumes engagés par l’ensemble de ces régions, même sur un plan prospectif, est une aide précieuse pour faire prendre conscience du marché de l’hydrogène en plein développement et surtout de ces besoins en terme d’infrastructures . En être ou ne pas en être, nous semble être la vraie question pour la région Hauts-de-France. Mais poser la question, c’est déjà y répondre…

Le Benelux promeut le rôle de l’hydrogène pour atteindre la neutralité carbone sur son territoire et veut faciliter les coopérations transfrontalières. Voilà l’un des soubassements à l’étude commandée à WaterstofNet par le Secrétariat général du Benelux et qui devrait être rendue publique prochainement. Son périmètre couvre les 3 pays du Benelux mais également six régions voisines, à savoir : les Hauts-de-France, le Grand Est, la Sarre, la Rhénanie du Nord-Westphalie, la Rhénanie-Palatinat et la Basse-Saxe.

La vision d’ensemble donne une idée du potentiel de ces régions étudiées. Le Benelux et ses régions voisines forment un centre européen des industries sidérurgiques et chimiques aux émissions considérées comme difficiles à réduire (« hard-to-abate sectors ») et pour lesquelles l’hydrogène joue un rôle clé (l’étude fournira des évaluations précises sur les volumes engagés). Elles concentrent également les plus grands ports européens, portes d’entrées possibles à l’importation d’hydrogène ainsi qu’une grande part des canalisations de transport de gaz qui peuvent être réutilisées pour le transport d’hydrogène. Les façades maritimes de ces régions sont propices au développement de parcs éoliens offshore dont la production pourra être en partie dédiée à la production d’hydrogène. Les Pays-Bas et l’Allemagne bénéficient toutes deux de capacités de stockage souterrain pour l’hydrogène. Enfin, faut-il mentionner la volonté même de l’UE à travers son plan RepowerEU annoncé mi-2022 de développer l’économie de l’hydrogène avec un objectif additionnel de 15 MT de consommation d’hydrogène décarboné à horizon 2030 en plus de l’objectif initial fixé par le paquet fit for 55 à 5,6 MT.

Pour la sidérurgie, le scénario de consommation connait une concentration de la demande dans les régions allemandes et en Hauts-de-France. Le recours de la sidérurgie à l’hydrogène présuppose une sécurité d’approvisionnement à moindre coût que seul un réseau de canalisation transfrontalier pourra garantir. La sidérurgie joue donc un rôle moteur dans le développement du marché de l’hydrogène.

L’industrie chimique est traditionnellement concernée par l’hydrogène pour la production d’ammoniac et méthanol. Ces deux composés joueront de plus en plus le rôle de transporteur d’hydrogène, dont les importations à bas coût viendront tôt ou tard concurrencer la production domestique. L’évolution de la législation européenne obligera par ailleurs l’ensemble des secteurs à convertir leur utilisation d’hydrogène gris en hydrogène décarboné.

Pour les autres secteurs industriels, la demande est liée à la fourniture de chaleur haute température et à la conversion du CO2 capté en e-fuels. Ces secteurs industriels ainsi que les transports sont répartis uniformément dans tous les pays sans concentration de lieux.

En cumulant, l’ensemble des industries et le secteur des transport, WaterstofNet établit un bilan région par région entre production et consommation d’hydrogène renouvelable et constate que les Pays-Bas et la Basse Saxe importeront 4 à 5 fois plus d’hydrogène que ce qu’ils en consommeront ; ils seront donc pour WaterstofNet le porche d’entrée de l’hydrogène importé pour alimenter les régions qui auront une demande plus forte que leur production domestique comme le Luxembourg, les deux Rhénanies, la Sarre et les deux régions françaises…

La carte du réseau qui se dessine alors entre le Benelux et les 6 régions voisines fait apparaître que les zones principales de production et consommation d’hydrogène décarboné seront situées à proximité du réseau hydrogène et que les 9 régions ou pays (à l’exception du Luxembourg) seront connectés par des canalisations à au moins un pays voisin d’ici 2030.
Les Hauts-de-France ont participé en tant que simple auditeur à certains ateliers menés par le Secrétariat général du Benelux durant l’élaboration de l’étude. La question serait désormais d’être pleinement partie prenante du processus de conception des infrastructures transfrontalières. On peut en effet faire valoir les atouts de notre région. Le port de Dunkerque peut devenir un hub d’importation d’hydrogène et alimenter une infrastructure transfrontalière. L’argument du foncier semble le point aveugle de l’étude : que ce soit à Dunkerque ou Valenciennes, des espaces disponibles peuvent devenir des lieux de production d’hydrogène capables d’alimenter par pipes et barges les industries du Benelux.

Bref, les Hauts-de-France peuvent en valorisant leurs atouts modifier le barycentre du réseau hydrogène décarboné qui se dessine et en devenir, certes un consommateur mais surtout un fournisseur.