Émissions de GES des Hauts-de-France – Que nous disent les chiffres ?
Dans une note conjointe du Secrétariat général à la planification écologique, de la Direction générale de l’énergie et du climat et du Commissariat général au développement durable, sont présentées une estimation provisoire du CITEPA sur les évolutions d’émissions des GES sur les deux premiers trimestres de 2024 et l’analyse des chiffres qui en découle.
Sur 12 mois glissants, la baisse des émissions est de 4,8%, dont les deux tiers seraient attribuables à l’effet des politiques climatiques menées ces dernières années. Sur les deux premiers semestres 2024, une observation plus fine secteur par secteur montre que, en ce qui concerne l’industrie (-4,0% d’évolution en 2024 par rapport à 2023), les baisses les plus significatives proviennent des minéraux et matériaux de construction (-0,6 MtCO2), de l’agroalimentaire (-0,3 MtCO2) et de la métallurgie des métaux ferreux (-0,2 MtCO2). La note précise qu’il n’est pas possible à ce stade de préciser la part des efforts de sobriété, d’efficacité, ou de ralentissement de la production.
Déjà sur l’exercice précédent, La France réduisait ses émissions de gaz à effet de serre en 2023 par rapport à 2022 aux alentours de 5%. Si ces chiffres encourageants permettent de passer sous la barre des 400 millions de tonnes de CO2eq et de tenir les objectifs du budget carbone de la SNBC, qu’en est-il des résultats pour la région Hauts-de-France et quelles conclusions peuvent être tirées pour expliquer cette baisse soudaine à l’échelle nationale et ses conséquences régionales ?
Des efforts conséquents ont pu être enregistrés dans tous les secteurs, il faut noter une très belle performance dans les deux secteurs de l’industrie et de l’énergie. Les informations fournies dans le document « Émissions de gaz à effet de serre des installations soumises à quota de l’UE » permet d’apporter une série d’explications qui viennent nuancer l’analyse globale au regard du contexte industriel et énergétique particulier en cette année 2023 :
Tableau 1 : Analyse sectorielle des émissions des sites EU-ETS en région Hauts-de-France
D’après les données disponibles d’émissions de CO2 en Hauts-de-France, l’année 2023 a été marquée par une forte baisse des émissions industrielles dans de nombreux secteurs. Passant de près de 20 millions de tonnes en 2022, elles ne dépassent pas les 15 millions de tonnes sur l’année dernière ce qui laisse penser que des progrès considérables dans ces secteurs et dans la production d’énergie ont été accomplis. Après une année 2020 ralentie par la crise sanitaire, il se trouve que les émissions des sites EU-ETS en 2021 ont retrouvé leurs niveaux d’avant crise, avant de connaitre un nouveau ralentissement en 2022 notamment marqué par les hausses des prix de l’énergie qui ont entraîné des baisses de production et donc de consommation d’énergies chez les énergo-intensifs. Pour mieux comprendre ces baisses d’émissions, il faut donc intégrer la relation entre les émissions et la production industrielle et énergétique. Le tout en restant sur un périmètre identique et comparable temporellement et géographiquement.
Les analyses par secteurs couplées aux données économiques nous permettent d’expliquer ces baisses des émissions de -25 % en un an dans l’industrie d’abord avant tout par un effet conjoncturel. On constate en effet une production sidérurgique moindre et par voie de conséquence en aval une baisse du secteur métallurgique, soit au total plus de 30 % de baisse des émissions dans ces secteurs. On constate également une production de verre moins forte qu’en 2022 qui se traduit par 30 % de réduction des émissions du secteur. De manière générale, l’année 2022 est marquée par une demande moins forte et donc une production industrielle plus faible dans les secteurs énergo-intensifs.
Les données de l’INSEE montrent bien un indice de production industrielle des secteurs énergo-intensifs en baisse par rapport à 2022. A titre d’exemple, un incident sur le site d’ArcelorMittal Dunkerque a conduit à une baisse de la production sidérurgique globale et par conséquence, 3 millions de tonnes de CO2 évitées (soit presque 1% de nos émissions annuelles nationales !) suite à l’arrêt d’un haut-fourneau et à une fourniture moindre en gaz fatal pour le cycle combiné gaz DK6. Nos échanges avec les industriels du verre et du papier, tendent à indiquer que 2023 est également une année avec des niveaux de production en baisse lié à une énergie chère en Europe, une concurrence forte sur les marchés et une demande globale en baisse.
Même si l’on peut se réjouir d’une baisse des émissions de GES, l’heure n’est pas à la satisfaction. Les baisses d’émissions traduisent une année de recul de la production industrielle régionale des secteurs énergo-intensifs liée à une demande faible et une concurrence internationale accrue. Pour l’ensemble de ces industries, la mise en œuvre des politiques de décarbonation prend la forme de projets de long terme qui demandent du temps pour étudier, scénariser, mettre en œuvre et dont les effets vont mettre plusieurs années avant d’être mesurés. C’est en ce sens que les projets structurants de décarbonation ne doivent pas nous empêcher de poursuivre les investigations en matière de quick-win à travers les leviers de sobriété et d’efficacité énergétique. Ces quick-wins permettront de réduire à court terme les émissions et d’aider la compétitivité et la pérennité de notre industrie manufacturière.