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Actualités 7 Oct 2024

Décarboner l’industrie : retour sur l’événement FIRE et les innovations en chaleur industrielle

L’événement FIRE sur la chaleur industrielle s’est tenu à Lyon le 19 septembre dernier. Durant cet événement, l’ensemble des aspects essentiels liés à la chaleur industrielle a été abordé au cours de différentes sessions.

Décarboner la chaleur est bien une nécessité : au-delà des efforts de sobriété et d’efficacité énergétique visant à réduire les consommations des industriels, la chaleur reste indispensable au fonctionnement de l’industrie et se doit donc d’être décarbonée. Ainsi, Heineken mise sur le solaire thermique à concentration pour son site de Séville : avec une consommation d’énergie thermique de 56 GWh par an, le site réussit à produire 28,5 GWh grâce à cette technologie qui vient générer de l’eau pressurisée à 160 °C à 9,5 bars ; la surface requise pour le déploiement de la centrale thermique est de 40 000 m2. Alain Robic, directeur commercial d’Astek, l’entreprise responsable de la mise en place de cette solution, a souligné qu’une période d’adaptation de six mois a été nécessaire pour ajuster la centrale aux spécificités du site. Un élément clé de cette solution est le couplage avec un système de stockage thermique, qui améliore le taux d’utilisation de l’énergie et permet de gérer les surchauffes estivales, un défi souvent sous-estimé.

La chaleur se doit ensuite d’être utilisée de manière efficiente. Philippe Lucand, représentant de John Deere, a présenté des actions visant à réduire la consommation de gaz pour le processus de peinture en poudre dans l’usine d’Arc-lès-Gray. Avant toute intervention, ce processus consommait 14 GWh de gaz naturel. Uniquement par des mesures organisationnelles, une réduction de 22 % des consommations a été obtenue, notamment par l’amélioration de la productivité de 25 % et l’optimisation des horaires de production. Ces solutions semblent simples, mais il a fallu remettre en question une organisation en place depuis plus de 20 ans. Cela illustre les bénéfices potentiels de la sobriété énergétique, ainsi que l’importance de réévaluer les pratiques établies. Des solutions techniques ont ensuite été adoptées, permettant une réduction supplémentaire de 24 % de la consommation de gaz.

Parmi les actions mises en œuvre, on peut citer la diminution de la température du four pour la gélification de la poudre, ce qui représente un gain de 0,5 GWh par an. Au total, l’ensemble des actions permettra un gain de 7,4 GWh sur les 14 GWh initiaux. La dernière mesure à mettre en place est l’installation d’une pompe à chaleur (PAC) haute température pour chauffer les bains de traitement de surface.

Décarboner la chaleur, c’est aussi la récupérer : de nombreux projets de pompes à chaleur à très haute température (PAC THT) émergent en Europe, notamment dans le nord et en Scandinavie. En France, l’entreprise WEPA, dans le secteur papetier, a installé une PAC THT (la Transpac) en collaboration avec Dalkia dans son usine de Château-Thierry. La Transpac permet de produire de l’air chaud entre 110 et 140 °C à partir d’une source de chaleur de 55 à 90 °C, avec un coefficient de performance (COP) supérieur à 3,5. Cette technologie est souvent présentée comme une solution clé pour la décarbonation de l’industrie et a atteint un certain niveau de maturité pour les hautes et très hautes températures. Contrairement à de nombreux pays, la France n’est pas au rendez- vous du développement des PAC THT. L’une des principales difficultés réside dans le ratio prix électricité/gaz, qui est plus élevé en France qu’en Scandinavie, où le prix de l’électricité est stabilisé grâce à l’hydroélectricité et où le prix du gaz demeure élevé. Pour assurer la rentabilité des projets de PAC, il est nécessaire d’avoir un prix du gaz élevé et un prix de l’électricité bas, ce qui n’est pas le cas en France. Les industriels français sont donc freinés par des temps de retour sur investissement trop longs et par l’instabilité des prix de l’énergie, laissant de nombreux projets à l’état d’étude.

Cet événement, organisé par ALLICE, a une fois de plus rencontré un franc succès, rassemblant plus de 250 participants et offrant des retours d’expérience concrets de la part des industriels. Cependant, certains d’entre eux ont souligné les difficultés à rendre ces projets économiquement viables en raison des prix actuels du gaz. Pour favoriser l’émergence de ces initiatives cruciales à la décarbonation de l’industrie, il est essentiel de les envisager dans une perspective à long terme, plutôt que de se concentrer uniquement sur une rentabilité immédiate. Par exemple, en réduisant la consommation d’énergie, les entreprises deviendront moins vulnérables aux hausses de prix, comme celles récemment observées. Les industries devront s’engager dans des projets de décarbonation, qui nécessiteront des temps de retour sur investissement plus longs que ceux auxquels elles sont habituées. Cependant, ces projets seront indispensables pour atteindre les objectifs du Net zéro.