Décarbonation des énergies : où en sommes-nous ?
« Incarner la chaîne de valeur des énergies : aujourd’hui et demain » était le thème des journées annuelles d’EVOLEN organisées les 16 et 17 octobre derniers...
« Incarner la chaîne de valeur des énergies : aujourd’hui et demain » était le thème des journées annuelles d’EVOLEN organisées les 16 et 17 octobre derniers...
Evolen regroupe historiquement les entreprises du secteur pétrolier (anciennement GEP) mais également depuis 2016 les entreprises productrices d’énergies décarbonées, porteuses d’un objectif de développement durable et orientées vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cet événement composé de séances plénières, de débats et d’ateliers interactifs fut l’occasion de mesurer le niveau d’avancement de la décarbonation de nos énergies.
Face aux défis climatiques actuels, la transition vers des énergies renouvelables et des pratiques durables s’impose comme une priorité mondiale. Aujourd’hui, les capacités installées en énergies renouvelables connaissent une croissance exponentielle, mais il est essentiel de les intégrer dans un écosystème plus large, regroupant partenaires, innovateurs, et citoyens engagés. Ce réseau doit s’appuyer sur des valeurs de solidarité, d’ouverture et d’attractivité pour attirer les meilleurs talents et stimuler l’innovation. En parallèle, il reste des défis critiques à relever. Par exemple, les fuites de méthane, qui représentent à elles seules l’équivalent de la consommation énergétique totale de l’Europe de l’Ouest, montrent l’importance de mesures décisives et coordonnées. Cette transformation exige des ruptures et une cohérence accrue entre technologies, régulations et acteurs. La clé réside dans notre capacité à fédérer les initiatives pour faire face aux défis climatiques avec des solutions durables et partagées. Nous vous proposons un résumé de trois comités, sur les seize ateliers proposés, avec les points forts et recommandations à retenir.
Comité e-fuels :
L’observatoire des e-fuels en France recense 26 projets, dont 16 à l’échelle commerciale, surtout pour l’e-SAF et l’e-méthanol dans 8 des 13 régions, avec une concentration dans les zones portuaires et industrielles où les infrastructures (pipelines, CO2) sont disponibles. Cependant, aucun n’a encore passé la phase de décision finale d’investissement (FID). Si tous ces projets se concrétisent, ils nécessiteront 24 TWh et 2,4 millions de tonnes de CO2 d’ici 2030, posant la question de la disponibilité des molécules, ainsi que des infrastructures CO2 et électriques. De plus, la réglementation reste incertaine et manque de clarté, notamment sur les critères d’incorporation, la traçabilité, et les sources de CO2 et d’hydrogène, ce qui ralentit leur déploiement. À partir de 2041, seuls les cycles courts de CO2 biogénique seront autorisés, compliquant ces décisions d’investissement. De plus, l’électricité représente 60 à 70 % du coût du SAF, d’où un besoin de sécurisation : il est crucial de bien planifier régionalement, en identifiant toutes les opportunités et synergies.
Entre 2021 et 2024, les gisements mondiaux d’hydrogène s’élevaient en moyenne à 95-100 millions de tonnes par an, dont une grande partie provenait de procédés SMR sans capture de CO2 (H2 gris). Toutefois, la production d’hydrogène décarboné ne dépassait pas le million de tonnes, principalement par des procédés fossiles avec CCUS et 35 ktonnes par voie électrolytique, alors même que la demande mondiale s’établit à plusieurs millions de tonnes. Par ailleurs, des questions subsistent quant à la certification de l’hydrogène bas carbone, notamment en ce qui concerne l’hydrogène « bleu ». Son coût étant étroitement lié à celui de l’électricité, la sécurisation des prix devient essentielle pour garantir sa compétitivité économique. De plus, le captage de CO2 varie selon les procédés : il permet de capter 40 % des flux pour les émissions diffuses et plus élevées, ou 60 % pour des flux plus concentrés mais à débit réduit. En alternative, la technologie ATR, plus performante, permet de capter plus de 90 % du CO2. Plusieurs projets soulignent l’importance d’un écosystème intégré pour l’approvisionnement, l’exportation et la valorisation industrielle locale, montrant ainsi le potentiel de l’hydrogène pour le développement des territoires.
Comité gaz bas carbone :
Face aux exigences de décarbonation, la réglementation actuelle favorise de plus en plus les projets de valorisation énergétique, notamment en imposant des pénalités pour l’enfouissement des déchets, ce qui incite à rechercher des solutions de traitement alternatives et durables. La France produit actuellement 12 TWh de biométhane et vise 1 TWh par pyrogazéifiaction d’ici 2030, avec une montée à 20 TWh prévue en 2050. Les gisements exploitables diffèrent de ceux du biométhane traditionnel et permet de valoriser une gamme de déchets plus diversifiée, souvent moins exploitée par les autres technologies de traitement. Pour atteindre ces objectifs, des mécanismes de soutien et des appels à manifestation d’intérêt (AMI) sont mis en place – c’est le cas du programme pour la pyro-injection lancé en 2022 et recensant 49 projets représentant une production estimée de 4,1 TWh. Une autre question clé est celle de la valorisation du CO2 produit dans le cadre de ces procédés, et plus généralement la question de l’optimisation de la logistique d’approvisionnement pour tirer parti des infrastructures existantes, réduisant les coûts d’acheminement et d’intégration. Le CO2 issu de la pyrogazéifiaction pourrait être utilisé dans divers domaines, car le CO2 étant relativement concentré rend son captage plus rentable. Par exemple dans des procédés industriels, serres, ou pour la production de carburants de synthèse, ajoutant ainsi une nouvelle opportunité d’optimisation carbone pour les territoires.