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Comprendre les échanges thermiques en milieu urbain

Lorsque vous vous promenez dans une ville lors d’une nuit d’été caniculaire, avez-vous déjà remarqué à quel point la chaleur peut être accablante entre les bâtiments, alors que des espaces plus ouverts peuvent sembler plus frais ?

La température que vous percevez n’est pas uniquement liée à l’air ambiant ; elle résulte également du rayonnement émis par les différentes surfaces qui vous entourent.

Les façades des immeubles, les places, les routes et les autres éléments du paysage urbain contribuent à la chaleur ressentie. Des espaces confinés peuvent accumuler la chaleur pendant la journée et la restituer la nuit, créant des zones où la chaleur semble emprisonnée. En revanche, les zones plus ouvertes, avec une plus grande exposition au ciel, permettent un refroidissement plus efficace.

Pour visualiser le rayonnement provenant de toutes les directions, nous avons mis au point une méthode basée sur l’association d’images prises par caméra thermique et photographique. Les images ainsi obtenues sont assemblées en une vue panoramique sphérique, qui est ensuite représentée sous forme de planisphère selon la projection de Mollweide (Figure 1). À hauteur d’homme, la plupart de l’image est occupée par le sol, ce qui montre à quel point la chaleur émise depuis le sol influe sur le confort thermique que ressentent les piétons. Dans beaucoup de villes, les matériaux utilisés pour recouvrir le sol sont des minéraux, souvent rugueux et de couleur sombre. Ces caractéristiques ont tendance à absorber et à retenir la chaleur, ce qui peut rendre la ville particulièrement étouffante.

Figure 1: Projection de Mollweide d’une image panoramique prise
dans une rue de Cordoue (Espagne), l’image est centrée vers le sud.

La Figure 2 présente deux images thermiques illustrant des situations contrastées : une rue étroite en hiver sous un ciel couvert, et un pont ouvert en été avec un ciel dégagé. Ces images permettent aux urbanistes et aux physiciens de comprendre comment les matériaux, la disposition des bâtiments et la texture des surfaces impactent la température moyenne rayonnante et modifient les échanges radiatifs. Ces observations mettent en lumière le phénomène des îlots de chaleur urbains, où la chaleur est retenue par les structures et l’environnement bâti, ce qui a un impact direct sur le confort des piétons. Par exemple, sur la place des Capuchinos à Cordoue, en Espagne, lors d’une journée chaude, on peut sous-estimer l’influence que les galets des rues ont sur la température ressentie. Pourtant, des mesures thermiques révèlent que ces éléments jouent un rôle significatif.

Figure 2: Images thermiques prises à hauteur d’homme au milieu d’une rue étroite
en hiver sous ciel couvert, et au milieu d’un pont ouvert en été sous un ciel dégagé.

La Figure 3 montre une image prise en pleine nuit à Cordoue, et un détail du pavement mis au sol. En absence de lumière solaire, la couleur des surfaces devient moins importante que leur capacité à émettre de la chaleur. C’est là que l’émissivité joue un rôle central, car elle correspond à la capacité d’un matériau à perdre de la chaleur par rayonnement thermique. Pendant la nuit, lorsque le ciel est l’élément le plus froid de la scène, la capacité de refroidissement d’une surface résulte de la différence entre la chaleur qu’elle émet et celle qu’elle reçoit du ciel – ou, plus précisément, de l’atmosphère. Pour évacuer la chaleur accumulée durant la journée, les surfaces rayonnent vers le ciel. Ainsi, plus une surface est exposée au ciel, plus elle peut se refroidir rapidement. C’est pourquoi les façades des bâtiments, moins exposées au ciel, retiennent davantage de chaleur que les surfaces horizontales comme les trottoirs et les routes.

Figure 3: Image thermique prise la nuit dans la rue de Cordoue
après une journée chaude d’été.

Un exemple concret de ce phénomène peut être observé en examinant les pavés de la place. On constate que les parties des pavés qui sont exposées au ciel sont plus fraîches, tandis que les espaces entre les pierres, semblables aux rues étroites de la ville, conservent la chaleur. Cela montre que la texture du sol ne relève pas seulement de l’esthétique, mais a également un impact direct sur le climat urbain

A partir de ces images panoramiques, il est possible d’estimer la température ressentie par un piéton qui arpente les rues de Cordoue. Pour illustrer cela, plaçons nous à deux endroits du trajet de notre piéton : sur la place des Capuchinos, puis au milieu du Pont Romain. Durant la journée, ces deux lieux ont reçu presque la même quantité de radiation solaire, avec une différence d’à peine 2 W m-2 (Figure 4a). Cependant, la texture du sol diffère : sur la place des Capuchinos, le sol est recouvert de petits galets, tandis que sur le pont, il est constitué de dalles de pierre lisses (Figure 4).
Les mesures révèlent que pendant la journée, le sol rugueux des Capuchinos émet environ 100 W m-2 de plus que le sol lisse du Pont Romain. Cette tendance persiste la nuit, bien que l’écart soit réduit à environ 12 W m-2. Sur la base de ces observations, nous pouvons calculer ce qui se passerait si le sol rugueux de la place des Capuchinos était remplacé par un sol lisse similaire à celui du Pont Romain. Un sol plus lisse pourrait entraîner une baisse de la température moyenne rayonnante d’au moins 3 degrés pendant la journée, et de 1,5 degré pendant la nuit.

Figure 4: Comparaison du sol rugueux et du sol lisse à Cordoue

Lors de vos prochaines promenades estivales, essayez de ressentir cette chaleur rayonnante autour de vous et essayer d’imaginer comment une image vous permettrait de visualiser et d’interpréter l’origine de cette chaleur. En comprenant mieux la complexité des échanges thermiques en milieu urbains, les urbanistes peuvent améliorer le confort des piétons, et réduire la consommation d’énergie des bâtiments. En jouant sur l’ombrage, les textures, les couleurs des surfaces et leur rugosité, nous pourrions concevoir des villes plus confortables et moins énergivores. Et si nous repensions notre lien avec la ville en envisageant la création d’îlots de fraîcheur ?

 

Rédaction : Jairo Acuña Paz y Miño, enseignant-chercheur dans le département Géomatique et Génie Urbain de Polytech Lille
Relecture : équipe du département Géomatique et Génie Urbain

Basé sur l’article “Visual metering of the urban radiative environment through 4π imagery “,
cet aperçu vulgarisé offre une perspective concise sur les défis de la conception urbaine face au changement climatique.
Il met en avant la nécessité d’innovations dans la conception pour des solutions durables.