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Communautés d’énergies : plus que tendance !

Nous vous faisons faire un petit voyage à Montdidier dans les Hauts-de-France !

Les communautés énergétiques locales sont un concept en vogue. La réglementation européenne parle des communautés d’énergies renouvelables (cf. directive sur les énergies renouvelables) ou des communautés énergétiques citoyennes (cf. directive sur le marché de l’électricité). Il s’agit de donner aux communautés locales et aux individus le droit de produire, stocker, consommer et revendre leur propre énergie. Ces notions sont transcrites dans le droit français depuis la loi Energie Climat de 2019. Il est pourtant intéressant de noter que certaines collectivités n’ont pas attendu ces dispositions pour avancer sur la production et distribution d’énergie locale. Nous vous faisons faire un petit voyage à Montdidier dans les Hauts-de-France !

Catherine Quignon, maire de Montdidier nous reçoit. «En 2001, alors que nous venions de subir des inondations et glissements de terrain, j’ai cherché le moyen d’aider nos concitoyens, redresser les finances de la commune et réattirer de nouveaux habitants et de nouvelles entreprises. Notre atout était de disposer d’une régie d’électricité, créée en 1925 et d’un foncier sur lequel on pouvait imaginer des projets». La motivation première fut donc économique plus qu’environnementale ; la régie a permis d’assumer un parti pris politique, à savoir un portage public du projet et non pas seulement citoyen pour que tous puissent en tirer des bénéfices et non pas seulement des volontaires. En cela, Mme Quignon a une longueur d’avance sur les dispositifs européens pourtant plus récents.

Premier projet : construire un champ éolien. La chance mais aussi l’audace sont au rendez-vous : « les études mesurent une vitesse de vent de 6,1m/s, alors que la rentabilité du projet n’était assurée qu’à partir de 6m/s… » Avec le relai de l’Ademe, très intéressée par le concept de régie et la région qui labellise Montdidier « ville pilote maîtrise de l’énergie », les fonds sont trouvés pour investir avec Global Wind Power dans 4 éoliennes de 2MW chacune. Dès 2010, ces éoliennes ont pu couvrir 50% des besoins des 6500 habitants, soit 18,5 GWh par an.

Les projets s’enchaînent : en 2012, une centrale photovoltaïque au sol d’une capacité de 250 kW crête est mise en place sur une surface de 7000 m2, avec un productible de 280 MWh qui couvre la consommation annuelle de 25 foyers. De plus, une capacité de 35 kW crête en photovoltaïque en toiture est également déployée sur 3 emplacements distincts.

En 2017, le réseau de chaleur est rattaché à la régie. Ce réseau est composé d’une chaufferie biomasse à partir de bois sourcé localement sur un périmètre de 50km (1850 tonnes par an), de 3 chaudières gaz d’appoint et de secours ainsi que d’une cogénération au gaz de 1 MW. Il alimente en chaleur divers bâtiments publics (Ehpad, centre hospitalier, lycée, collège, école, gymnase, mairie, sous-préfecture, cinéma) ainsi que deux zones industrielles, tout en disposant d’une TVA réduite à 5,5%. Le réseau délivre ainsi 12 GWh thermique à ses clients et 3.5 GWh électrique.

L’efficacité énergétique est également au programme de la régie. Depuis 2006, une meilleure répartition des points lumineux contribue à réduire la consommation d’éclairage public. De plus, la ville a initié un programme de réhabilitation thermique des écoles, permettant ainsi de réduire de moitié leur consommation énergétique.

Selon la réglementation française, le prix des énergies est le même pour tous. La régie de Montdidier n’échappe pas à cette règle. La redistribution est donc au cœur de la politique de la ville et cela se manifeste à travers diverses actions : telles que des chèques travaux de rénovation (si les entreprises locales sont utilisées), des tarifs bas pour les cantines, une politique culturelle active, des activités pour les seniors, et bien d’autres initiatives.

In fine, c’est tout un paysage énergétique d’une ville qui se redessine et dont les habitants en profitent directement. Bien que le périmètre ne soit probablement pas totalement constant, ce qui laisse présager d’un gap d’amélioration bien supérieur, l’ensemble des données suivantes démontre les gains en efficacité énergétique du territoire et les gains en termes de couverture des consommations par la production locale.

Nous voici donc en pleine dynamique de circuits courts, ce qui témoigne de la volonté de nos concitoyens de mieux comprendre et maîtriser le processus économique, de partager les revenus et finalement de dynamiser un tissu local.

Jacques Ellul, le grand penseur du XXème siècle technique, établit une différence très nette entre l’époque des moulins à eau, où l’énergie produite n’occultait pas sa source puisée dans la force physique de l’homme et de la nature, et l’époque de nos centrales productrices d’une énergie qu’il qualifie d’anonyme(1). Le kWh n’est rien sans le travail de l’homme qui le fait émerger. Tant que notre énergie sera, non pas une puissance de vie charnelle, mais un flux anonyme de kWh, le monde restera un monstre mécanique broyant l’humanité, rappelle le philosophe Benoît Sibille(2)… Finalement, ne serait-ce pas cela que Catherine Quignon a su réinsuffler au sein de Montdidier ? « Quand ils voient les éoliennes tourner, les gens savent à quoi elles servent !», nous confie-t-elle.

Catherine Quignon recèle d’idées pour l’avenir, telles que le solaire thermique, la création d’une centrale virtuelle qui déclenche un niveau de tarification en fonction du niveau réel d’appel de consommation, la mise en place d’une unité de méthanisation, etc… Pionnière, Catherine Quignon l’est. Demain, de nouvelles énergies pourraient s’inspirer de son exemple pour développer de nouvelles cartographies énergétiques locales desservant un industriel, des bâtiments publics et des logements en électricité et en chaleur. Les pionniers de demain allieront toutes les ressources ENR thermiques et électriques, mais peut-être aussi les SMR (Small Modular Reactor) qui apporteront, tout comme les ENR, une sécurité d’approvisionnement, une vision tarifaire à long terme et une appropriation d’un projet local dont profite directement sa population. Les communautés d’énergie sont tendance et friandes des technologies d’avenir !

(1) Cité par Benoît Sibille dans la revue Limite n°16, p61
(2) ibid.