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Chaîne de valeur des batteries : pour plus de flexibilité

«On a toujours besoin d’un plus petit que soi». Cette maxime issue d’une fable de La Fontaine aurait pu figurer en titre de cet article.

Il y en a en effet une complémentarité à jouer entre les gigafactories qui font le succès de notre région Hauts-de-France et une alternative consistant à se concentrer sur la fabrication d’électrodes pour apporter flexibilité et réactivité, face à un marché qui se cherche encore. Emin Askerov, business developer chez le coréen JR Energy Solution qui s’intéresse au marché européen, explique ce concept qui nous fait réfléchir à l’articulation nécessaire de différents business models pour atteindre le succès.

 

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Contexte

L’Union européenne est à la pointe de l’électrification des véhicules ; elle se positionne comme un leader dans la fabrication de batteries pour soutenir la transition vers les véhicules électriques (VE). Au cœur de cette stratégie se trouve le développement de cellules et de batteries lithium-ion. La mise en œuvre de cette stratégie a cependant rencontré des défis importants au cours de la dernière décennie : plusieurs gigafactories européennes n’ont pas réussi à répondre aux normes de qualité et ont cessé leur activité comme par exemple Northvolt, Italvolt et Britishvolt. Les délais de développement prolongés et les dépassements de budget dans de nombreuses installations européennes ont obéré les progrès, face notamment à la concurrence croissante des fabricants chinois plus expérimentés. Tous ces éléments tendent à mettre en péril l’objectif de l’UE de passer à 100 % de ventes de VE d’ici 2035.

Défis liés au savoir-faire en matière de fabrication

Le principal défi dans la chaîne de valeur des batteries de l’Union Européenne ne réside pas dans la chimie ou la propriété intellectuelle, mais dans l’expertise en matière de fabrication. Les fabricants asiatiques, en particulier chinois, possèdent un avantage concurrentiel significatif en raison de leur expérience de plus de 20 ans dans la production de batteries lithium-ion à grande échelle. Si l’invention de nouvelles chimies de batterie en laboratoire est relativement simple, la transition vers une production de masse à l’échelle du GWh représente un tout autre défi. C’est cet écart de compétences que rencontrent actuellement de nombreux acteurs européens, dont Northvolt.

Différenciation entre la production de cellules et la production d’électrodes

La fabrication de cellules de batteries peut être scindée en deux processus distincts : la production d’électrodes et l’assemblage de cellules. La production d’électrodes est un processus électrochimique nécessitant des équipements sophistiqués et des ingénieurs qualifiés pour les faire fonctionner efficacement. Cette étape représente 60 à 80 % des dépenses d’investissement (CAPEX) d’une gigafactory typique. En revanche, l’assemblage des cellules est largement mécanique et plus facilement automatisé, nécessitant moins d’investissements. Les électrodes sont produites sous forme de rouleaux, qui peuvent ensuite être coupés et formatés selon les besoins dans les installations d’assemblage de cellules. Traditionnellement, les fabricants asiatiques ont regroupé ces processus dans de grandes gigafactories. Cependant, cette approche n’est pas nécessairement la plus efficace ou la plus durable pour l’UE.

Le modèle “hub-and-spoke” pour la fabrication de batteries

Une alternative au modèle traditionnel de gigafactory est une organisation en “hub-and-spoke”, où un petit nombre d’unités spécialisées dans la production d’électrodes servent plusieurs fabricants décentralisés de cellules. Cela permettrait de concentrer le processus de production d’électrodes, qui est hautement technique et coûteux, en quelques lieux, tandis que l’assemblage des cellules pourrait être dispersé entre de plus petits fabricants spécialisés. Dans cette organisation, les unités de production se concentreraient sur la production d’électrodes de haute qualité, qui pourraient ensuite être personnalisées par divers fabricants de cellules pour des applications spécifiques.

Le modèle des unités de production d’électrodes de batteries  

Le modèle de ces unités de production est un schéma bien établi dans des secteurs industriels comme celui des semi-conducteurs : il se concentre sur la production sans détenir de propriété intellectuelle sur les conceptions qu’elles fabriquent. Dans ce modèle, l’innovation et la conception sont pilotées par des startups et des instituts de recherche, tandis que les fabricants d’électrodes de batteries mettent leur expertise à disposition pour produire à grande échelle. Une approche similaire pourrait être appliquée à la production de batteries dans l’UE, où les fabricants d’électrodes produiraient selon les conceptions développées par les startups et laboratoires européens. Cela permettrait non seulement de décentraliser l’innovation, mais aussi d’accélérer la transition des conceptions de laboratoire à la production commerciale.

Voie de développement des unités indépendantes de production d’électrodes dans l’UE

Pour commencer, pourrait s’établir au sein de l’Union Européenne des unités d’électrodes à petite échelle avec une capacité de 1 à 2 GWh. Cela permettrait de minimiser les dépenses en capital tout en facilitant le développement des compétences indispensables en fabrication. Un partenariat avec une entreprise expérimentée comme JR Energy Solution de Corée pourrait fournir la formation et le transfert de connaissances essentielles, permettant le développement rapide d’une expertise en production d’électrodes au sein de l’UE. Une petite entité pourrait initialement soutenir l’écosystème en pleine croissance des startups de batteries européennes, tout en fournissant également des électrodes aux plus grandes gigafactories. Au fil du temps, ces relais pourraient servir de tremplin vers des opérations à plus grande échelle, fournissant à la fois des services et un transfert de compétences aux fabricants de batteries émergents de l’Union Européenne.

Proposition : établir une manufacture dédiée aux électrodes en France

JR Energy Solution, qui a déjà construit une unité de production d’électrodes de 500 MWh en Corée, s’est déclaré prêt à soutenir la construction d’une unité similaire en Europe. Qui plus est, JR Energy Solution fournirait également la formation et l’expertise nécessaires pour garantir que la manufacture puisse fonctionner efficacement et aider à combler le manque de compétences en fabrication en Europe.

Il est proposé que cette initiative soit située au sein d’une vallée de la batterie de l’UE, comme celle des Hauts-de-France, par exemple. Cette localisation permettrait une collaboration étroite avec des startups, des instituts de recherche et des gigafactories, favorisant ainsi un écosystème d’innovation et de compétences. En centralisant la production d’électrodes, l’UE pourrait considérablement améliorer sa compétitivité sur le marché mondial des batteries, réduire sa dépendance vis-à-vis des fabricants asiatiques et se rapprocher de ses ambitieux objectifs de vente de VE d’ici 2035.

Cet investissement stratégique dans des manufactures d’électrodes accélérerait non seulement le développement d’une chaîne de valeur des batteries durable, mais positionnerait également l’UE comme un leader des technologies de fabrication de batteries avancées.