Vers une performance énergétique mesurable et certifiée
Le 20 mai 2025, Pôlénergie était partenaire de la journée organisée par l’ATEE : « Efficacité énergétique : nouvelles réglementations » dans les locaux de la Brasserie Goudale, aux côtés de la CCIR, l’AFNOR et du CETIM.
Cet événement a réuni acteurs publics, industriels et experts techniques autour des nouvelles obligations introduites par la loi DDADUE du 30 avril 2025. Il a permis de faire le point sur la transposition de la directive européenne 2023/1791 dans le cadre de cette loi.
Désormais, les obligations en matière d’efficacité énergétique ne sont plus fondées sur la taille des entreprises, mais sur leur niveau de consommation d’énergie finale.
Deux seuils sont à retenir :
Au-delà de 2,75 GWh/an (moyenne sur les 3 dernières années civiles), un audit énergétique est obligatoire tous les 4 ans ;
Au-delà de 23,6 GWh/an, les entreprises doivent mettre en œuvre un Système de Management de l’Énergie (SME) certifié.
Les entreprises concernées ont jusqu’au 11 octobre 2026 pour réaliser leur premier audit, ou jusqu’au 11 octobre 2027 pour mettre en place un SME. Par ailleurs, une plateforme nationale permettra aux entreprises dépassant 2,75 GWh de déclarer chaque année leur consommation.
L’audit doit déboucher sur un plan d’action, listant les mesures à mettre en œuvre.
Les actions dont le temps de retour sur investissement (TRI) est inférieur à 5 ans devront être justifiées si elles ne sont pas mises en oeuvre (le détail du calcul de TRI est encore à venir). Ce plan d’action sera public (hors données couvertes par le secret des affaires).
Deux mesures renforcent l’effet incitatif :
Le non-respect des préconisations dont le TRI est inférieur à 3 ans pourra entraîner une réduction de 20 % des quotas gratuits du système ETS
Les aides à l’électricité pour les entreprises exposées aux fuites de carbone seront également conditionnées à la mise en œuvre de ces actions.
Le retour d’expérience d’Ingrédia illustre cette dynamique : leur démarche SME, amorcée par obligation lors du passage de TURPE 5 à TURPE 6, a été menée en 9 mois. Elle s’est accompagnée du développement d’un plan de mesurage, initialement basé sur 100 compteurs, aujourd’hui étendu à plus de 500 points de mesure.
Les témoignages d’Ingrédia et de la Brasserie Goudale ont montré qu’une contrainte réglementaire bien accompagnée peut devenir une opportunité :
Ingrédia a déployé son SME en 9 mois, dans le cadre de son passage de TURPE 5 à TURPE 6. L’ISO 50001 leur a permis de professionnaliser le suivi énergétique tout en développant un plan de mesurage ambitieux, passé de 100 à 500 compteurs. Mais surtout, la norme a fait évoluer leur relation avec les fournisseurs, en instaurant une logique de partenariat fondée sur des engagements de performance.
Goudale a également obtenu sa certification en 9 mois, et en a profité pour préciser ses indicateurs de performance énergétique. Cette analyse a permis d’identifier des recettes plus énergivores que d’autres, ouvrant la voie à des optimisations ciblées. La brasserie souligne que l’ISO 50001 est un système tourné vers le concret, avec une charge documentaire raisonnable.
Le dernier temps de la matinée était dédié au plan de mesurage, fondation d’un pilotage fiable. Pour la première fois, la réglementation rend obligatoire la définition et la mise en œuvre d’un plan de mesurage dans le cadre de l’audit énergétique (cf. norme NF EN 17267).
Cela signifie que les usages énergétiques significatifs devront être mesurés (et non simplement estimés), et qu’un dispositif structuré de suivi et de surveillance de l’énergie devra accompagner la démarche. Pôlénergie a rappelé que le plan de mesurage est la pierre angulaire du pilotage énergétique, permettant de structurer la collecte, la fiabilité et l’utilisation des données.
L’accent a été mis sur l’importance de définir les Indicateurs de Performance Énergétique (IPE) dès le début. La Cartonnerie Gondardennes, certifiée ISO 50001, a partagé son retour d’expérience : un suivi manuel couplé à une analyse croisée des données de production issues de l’ERP a permis d’identifier des dérives machine par machine et d’objectiver les résultats des actions engagées. Elle a également souligné l’enjeu de la fiabilisation des données, en lien avec la typologie des compteurs (radio ou filaire).
CNH a insisté sur les enjeux du bon dimensionnement des compteurs gaz et de leur installation adaptée, en lien avec les usages observés.
Enfin, GRDF a présenté les possibilités de remontée en temps réel des données de consommation gaz grâce à l’installation d’une sortie impulsionnelle, pour 100,75€ HT, sans remplacement du compteur (pour les débits maximum de 16m3/h). Les données horaires sont également mises à disposition sur l’espace GRDF.
Cette table ronde a mis en avant le fait que le plan de mesurage (désormais obligatoire) est avant tout stratégique. Il constitue une opportunité pour piloter l’énergie, structurer la performance et construire une trajectoire bas carbone solide.
« On ne gère que ce que l’on mesure ! »
Nouvelle donne pour les bureaux d’études : vers une certification des auditeurs
Avec la refonte du cadre réglementaire, le rôle des bureaux d’études et des prestataires d’audits énergétiques est également redéfini.
L’actuel système de qualification individuelle des auditeurs sera progressivement remplacé par une certification du processus de réalisation des audits, basée sur la norme ISO 17065. Cette nouvelle certification portera sur la qualité méthodologique de la prestation, l’indépendance des auditeurs, la traçabilité des données et la compétence des équipes.
Un référentiel détaillé est en cours de finalisation, avec des exigences nouvelles sur les moyens techniques, les ratios encadrement/auditeurs et la gestion des conflits d’intérêts. Ce virage vise à renforcer la fiabilité et la comparabilité des audits, et à garantir aux entreprises des livrables opérationnels, exploitables et conformes aux exigences croissantes du cadre européen.